
Du Couvent à l’Hôpital psychiatrique de Clermont
Situé à la lisière de la forêt de la Neuville en Hez, il ne reste que quelques vestiges du Couvent Notre-Dame de la Garde. Il fût tout d’abord une prison d’état, puis une maison de correction avant de devenir un pensionnat d’aliénés qui sera désinvesti pendant la Révolution française et vendu comme Bien National avant de donner naissance à l’actuel Hôpital psychiatrique de Clermont.
Les origines
Les Couvent est aménagé en 1480 sur la commune d’Agnetz par des moines franciscains-cordeliers. A partir de 1731, le Couvent va avoir la charge de prisonniers envoyés sur lettres de cachet. Le régime du Couvent parait rapidement trop laxiste aux yeux des autorités. En effet, les voisins se plaignent du comportement des pensionnaires qui ont un droit de sortie. Un nouveau Père supérieur est alors nommé avec pour mission de remettre de l’ordre. La Révolution éclate a peine deux ans après l’arrivée du Père Tribou et en 1790, le Couvent fermera ses portes. Le Père Tribou occupera les murs pendant encore 9 ans avec quelques pensionnaires.
Pendant la Révolution, il se défroque et épouse une religieuse avec qui il aura deux filles. En 1798, le Couvent est vendu comme Bien National malgré tous les efforts de Tribou. Il doit donc déménager avec ses filles (sa femme étant décédée) et ses pensionnaires dans la commune de Clermont. Sa fille ainée épousera alors le docteur Gustave Labitte.
Ce dernier va prendre conscience du potentiel du pensionnat et va permettre l’essor de l’établissement grâce à la prise en charge médicalisée des patients, dès la mort du Père Tribou. Il rencontrera Jean-Etienne Dominique Esquirol qui fera voter une loi obligeant chaque département français à se doter d’un hôpital spécialisé. Cette loi permet également des mesures d’assistance et de protection des malades, définit l’incapacité civile, l’irresponsabilité pénale et ordonne le placement d’office des individus jugés dangereux pour eux-mêmes et pour autrui.
Son développement
En 1830, l’établissement va s’agrandir afin d’accueillir ses premiers malades. Le docteur Labitte meurt en 1835, à l’âge de 38 ans. Sa veuve, la fille aînée de Tribou prendra sa relève : en 1847, naîtra la colonie agricole de Fitz-James composée d’un luxueux pensionnat et d’une ferme modèle qui emploie les pensionnaires les plus aptes. Le nombre de malades augmente chaque année et une nouvelle propriété est acquise à Erquery en 1862. La clientèle visée est alors plutôt aisée : le mode de vie est recomposé suivant les revenus de la famille. Les salles à manger sont également différentes selon la classe sociale.
Les soins tels qu’on les entend aujourd’hui sont inexistants. Les malades sont classés par genre de maladies mais le seul remède exercé alors est l’hydrothérapie. Pour le reste, on insiste surtout sur l’air, l’eau, le calme et le confort. Ce qui rappelle les discours hygiénistes de l’époque. Le travail des malades a, à la fois, un intérêt économique mais également thérapeutique : les malades les plus valides sont occupés et cela permet d’organiser une quasi-autarcie.
Suite à un énorme scandale, l’établissement devient public en 1887 et s’appelle désormais la Maison de Santé de l’Oise. Cependant, elle doit faire face à un surpeuplement (1391 malades), les bâtiments et le matériel sont en mauvais état et l’exploitation agricole est en déficit.
Les débuts de la psychiatrie
Pendant la Première Guerre Mondiale, environ 62500 militaires sont rapatriés des lignes de combat dans les asiles français. Ils sont victimes de troubles dus à la déflagration des obus. On estime cependant que ces troubles passagers ne permettent pas de les diagnostiquer « aliénés ».
A la fin de la guerre, les progrès de la médecine ainsi que l’évolution du regard de la société envers ceux qu’elle considérait comme des « fous » vont permettre d’ouvrir de nouvelles portes à la psychiatrie. En 1938, le terme « hôpital psychiatrique » remplacera celui d' »asile ». Freud révolutionnera même la psychiatrie en explorant l’inconscient et en affirmant que tout symptôme à un sens. Les neuroleptiques et les antidépresseurs feront également leur apparition dans les années 1950.
De la Seconde Guerre Mondiale à aujourd’hui
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les nazis installeront une Kommandantur à Clermont et ordonneront à l’établissement de pourvoir à l’alimentation de la population locale. Le directeur de l’établissement indiquera en 1946 que « les restrictions alimentaires très sévères provoquant une crise alimentaire grave se traduisent par des décès de plus en plus nombreux parmi les hospitalisés ». Séraphine Louis, aussi appelée Séraphine de Senlis, en fait partie.
Cette artiste est née le 3 septembre 1864. En 1881, elle est domestique dans un couvent à Clermont jusqu’en 1901. Elle en garde une empreinte très forte, notamment de la Vierge qui l’inspire dans son art. Elle peint des motifs floraux sur des pots, des assiettes du carton et des petites toiles. Après une crise de folie, elle est admise en 1932. Elle cesse alors de peindre et écrit de nombreuses lettres pour se plaindre. Elle décèdera le 11 décembre 1942. Séraphine reste un exemple de cette période. Elle est enterrée dans le « carré des indigents » à Clermont. Deux de ses œuvres figurent aujourd’hui au Musée National d’Art Moderne à Paris
En 1937, par décision ministérielle, la Maison de Santé va devenir l’hôpital psychiatrique interdépartemental. A partir des années 1960, grâce à l’évolution de la Carte Sanitaire et les orientations en matière de psychiatrie le CHI (Centre Hospitalier Interdépartemental) se spécialisera dans la lutte contre les maladies mentales. Du fait de son histoire, l’Hôpital psychiatrique de Clermont possède encore aujourd’hui un patrimoine immobilier important.
Article réalisé en partenariat avec le Musée Henri Theillou de Clermont.